Position de FrancoQueer contre la montée de la violence et de l'intolérance visant les jeunes 2SLGBTQIA+Agissons ensemble pour que l’amour, l’égalité et la bienveillance supplantent la haine, la discrimination et la violence !

22 septembre 2023


Agissons ensemble pour que l'amour, l'égalité et la bienveillance supplantent la haine, la discrimination et la violence !

Par Anne-Sophie Ruest-Paquette, responsable du programme jeunesse, FrancoQueer

Photo: Jacques Nadeau Le Devoir

Photo: Jacques Nadeau, Le Devoir

 

En Ontario, comme au Canada, toustes les élèves – y compris celleux qui s'identifient à la diversité affective, sexuelle et de genre – ont des droits, dont ceux à l'égalité (dignité et non discrimination), à la sécurité (ou sûreté) et à l'éducation, y compris en milieu scolaire. Autrement dit, les élèves 2SLGBTQIA+ méritent, au même titre que leurs pairs, d'être reconnu.e.s, représenté.e.s, protégé.e.s et respecté.e.s dans les écoles de la province, de sorte qu'iels puissent profiter pleinement de leur scolarisation. Cela n'est pas une question d'opinion, ni de croyance, mais bien de droits et de libertés civiques au sein d'une société démocratique, où toutes les personnes sont égales aux autres.

 

Pourtant, des manifestations se déroulent cette semaine pour décrier l'engagement des écoles canadiennes, y compris celles en Ontario, à créer des milieux d'apprentissage équitables et propices à la pleine intégration, à la construction identitaire, au mieux-être global et à la réussite scolaire des élèves et des familles 2SLGBTQIA+.  En d'autres mots, il y a des groupes qui contestent les mesures visant à valider la légitimité et l'appartenance des personnes de la diversité affective, sexuelle et de genre dans les écoles. C'est plus fort que moi : je pense aux enfants et aux jeunes de la province et du pays qui écouteront les nouvelles. Iels y verront des adultes et des pairs : 

  • mobilisé.e.s afin de contester des politiques et des pratiques pour l'inclusion et le respect des élèves et des familles 2SLGBTQIA+ dans les écoles ;
  • rallié.e.s pour exiger que l'on priorise l'autorité parentale au détriment du droit à la confidentialité – et, par extension, des droits à l'égalité, à la sécurité et à l'éducation – des enfants 2SLGBTQIA+ ; 
  • faisant la promotion de discours haineux et discriminatoires à l'endroit des personnes 2SLGBTQIA+ et de leurs allié.e.s ;
  • se comportant avec agressivité et violence envers des personnes 2SLGBTQIA+ et leurs allié.e.s ;  
  • déterminé.e.s à maintenir la diversité affective, sexuelle et de genre dans l'ombre sous prétexte qu'elle remet en question leurs croyances et l'ordre social dominant. 

Bien sûr, par-delà les visages crispés, la rage, l'adultisme, l'homo-bi-transphobie et l'hétéro-cissexisme ambiant.e.s, iels verront peut-être aussi des contre-manifestations ainsi que des publications comme celle-ci, destinées à sensibiliser, à conscientiser et à solidariser la population ontarienne et canadienne au regard des implications humaines du débat en cours. Toujours est-il que notre société a des comptes à rendre à nos enfants et à nos jeunes. Nous leur demandons, à l'école comme ailleurs, d'adopter des valeurs humaines, démocratiques et/ou religieuses, ce qui – chez certain.e.s adultes armé.e.s de préjugés – semble pourtant être devenu facultatif. Que de doubles standards !

 

Au printemps dernier, j'ai accompagné un groupe de six élèves, dont cinq s'identifient comme trans ou non binaires, pour une durée de sept semaines dans le cadre d'un projet initié par une école de confession catholique qui souhaitait leur offrir un espace de parole et de création sain, c'est-à-dire dépourvu de haine, de discrimination et de violence. D'une rencontre à l'autre, ces jeunes personnes m'ont exprimé leur désarroi à l'égard des attitudes transphobes de leurs parents qui refusaient de reconnaître et d'affirmer l'identité de genre de leur enfant. Heureusement, iels se sentaient soutenu.e.s par quelques adultes à l'école. Leurs modèles accessibles en matière de bienveillance ne provenaient donc pas de leur foyer familial, mais plutôt de leur milieu scolaire.  

 

J'ai aussi assisté, au mois de mai, à une rencontre de travail qui m'a profondément bouleversée. Celle-ci réunissait des actrices.teurs scolaires et communautaires pour parler d'équité, de diversité et d'inclusion. Plusieurs dizaines de parents et de personnes tutrices ont détourné l'ordre du jour afin de faire valoir leur hostilité, leur ignorance et leurs fausses croyances au sujet des activités pour l'inclusion et le respect de la diversité affective, sexuelle et de genre dans les écoles franco-ontariennes. Iels s'opposaient notamment au lever du drapeau des Fiertés sous prétexte que « ça va à l'encontre de notre religion » et que « l'école n'est pas la place pour parler de sexualité ». Adopté et retravaillé plusieurs fois par la communauté des personnes 2SLGBTQIA+ pour exprimer sa soif de liberté, d'affirmation et d'épanouissement, ce drapeau est avant tout un emblème d'amour (y compris d'amour-propre), de solidarité à travers nos différences et de justice sociale (équité, diversité et inclusion). Il ne s'agit donc pas d'un symbole de sexualité ni d'une injonction à abandonner ses croyances religieuses, spirituelles ou ethnoculturelles. Pendant toute cette réunion, je pensais aux cinq élèves trans et non binaires susmentionné.e.s. Je me suis dit que ces parents et personnes tutrices avaient peut-être aussi, sous leur toit, un.e enfant trans, non binaire ou non conforme dans le genre qui a peur d'être jugé.e, rejeté.e, abandonné.e ou violenté.e par les adultes responsables de sa protection. Ce soir-là, comme cette semaine, mon cœur a brisé pour les enfants 2SLGBTQIA+ de parents et de personnes tutrices dont l'amour est conditionnel à ce qu'iels soient cisgenres et hétérosexuel.le.s.

 

En parallèle à cela, je constate que les politicien.ne.s se prononcent trop souvent sur des réalités et des enjeux qu'iels ne comprennent pas bien. Ce faisant, iels jouent avec la vie de jeunes personnes vulnérables, qui peinent parfois à percevoir l'espoir au-delà du moment présent. Si le projet de loi envisagé par le gouvernement conservateur ontarien concernant la limitation du droit à la confidentialité des enfants trans, non binaires et non conformes dans le genre est proposé et adopté, je crains qu'un nombre plus élevé d'entre elleux vont se retrouver dans la rue, à l'hôpital ou mourir de suicide... 

 

Évidemment, les parents et les personnes tutrices de l'Ontario ont des droits et des devoirs vis-à-vis de leurs enfants. Cependant, et suivant les résolutions adoptées au Canada relativement aux droits des enfants, les droits conférés aux parents et aux personnes tutrices sont secondaires aux principes directeurs de la non discrimination et de l'intérêt supérieur de l'enfant. En ce sens, être informé.e, en tant que parent ou personne tutrice, des étiquettes auxquelles son enfant s'identifie n'est pas un droit. C'est un privilège qui se mérite. L'écoute active, l'humilité, l'empathie, le respect, la compassion et l'amour inconditionnel de l'adulte envers l'enfant en sont des conditions préalables. Le degré selon lequel l'adulte les maîtrise et les met en pratique se traduit en interaction avec l'enfant par les attitudes adoptées, les paroles prononcées et les comportements démontrés d'un jour à l'autre.  

 

Ainsi, seul.e l'enfant ellui-même sait si ses parents ou personnes tutrices sont dignes du privilège de lao connaître dans son intégralité. Seul.le ellui sait véritablement s'iel est en sécurité avec ses parents ou personnes tutrices. Si l'enfant n'a pas, de sa propre initiative, dévoilé son ou ses identité(s) 2SLGBTQIA+ aux adultes de sa famille, on peut supposer qu'iel a des raisons valables de ne pas l'avoir fait. Le droit à la confidentialité des jeunes personnes 2SLGBTQIA+ existe actuellement en Ontario pour protéger les enfants de parents et de personnes tutrices haineuses, discriminatoires et abusives. Obliger le personnel des écoles à déplacarder (sortir du placard de force) les élèves 2SLGBTQIA+ auprès de leur(s) parent(s) et personne(s) tutrice(s) risquerait de le rendre complice de situations compromettantes.

 

Si l'on veut connaître son enfant et être à l'affût des identités qu'iel réclame, il suffit d'entretenir avec ellui une relation fondée sur l'ouverture du cœur et de l'esprit, en toute circonstance, ainsi que sur la confiance, qui se construit au fil des expériences partagées. Les lois existent, entre autres, pour protéger les droits des membres les plus vulnérables de notre société, y compris des personnes d'âge mineur. Contester ces droits revient à vouloir accorder aux adultes la permission d'opprimer un.e enfant s'iels estiment que « c'est pour son bien ». 

 

En guise de rappel, la haine, la discrimination et la violence envers les enfants et les jeunes 2SLGBTQIA+ ne sont pas des droits, ni en Ontario, ni au Canada. Et, bien franchement, je doute fortement qu'elles soient les fruits d'une volonté divine. Elles relèvent plutôt d'un acharnement à préserver des idéologies préjudiciables et des iniquités de pouvoir en raison desquelles certains groupes profitent injustement de privilèges, tandis que d'autres se voient imposés des barrières.

 

On dit que ça prend un village pour élever un.e enfant. Si tel est le cas, FrancoQueer fait partie du village des enfants 2SLGBTQIA+ et de leurs allié.e.s. Tant et aussi longtemps qu'il y aura des adultes qui sortiront dans la rue pour s'attaquer aux jeunes de la diversité affective, sexuelle et de genre, nous continuerons de promouvoir l'inclusion et le respect de cette diversité dans les écoles francophones de l'Ontario. Notre programme jeunesse existe, entre autres, pour soutenir le personnel des milieux éducatifs et jeunesse, de sorte qu'il puisse – par la suite – répondre aux besoins des enfants et des jeunes 2SLGBTQIA+ en souffrance sous leur tutelle. Le jour où toustes les parents et les personnes tutrices aimeront inconditionnellement leurs enfants 2SLGBTQIA+, nous pourrons enfin nous reposer. D'ici là, nous poserons des actions concrètes pour que les institutions préscolaires, scolaires, parascolaires et postsecondaires de la francophonie ontarienne soient équitables, inclusives et affirmatives de la diversité affective, sexuelle et de genre. Nous vous invitons également à faire votre part pour montrer aux enfants et aux jeunes du pays et de la province que les personnes 2SLGBTQIA+ ont leur place dans nos écoles, au sein de la francophonie ontarienne, au Canada et au sein de l'humanité entière. Bref, agissons ensemble pour que l'amour, l'égalité et la bienveillance supplantent la haine, la discrimination et la violence !

 


1 Ontario : Code des droits de la personne de l'Ontario ; Politique concernant la discrimination et le harcèlement fondés sur l'orientation sexuelle ; Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur l'identité sexuelle et l'expression de l'identité sexuelle; Politique sur la prévention du harcèlement sexuel et du harcèlement fondé sur le sexe.

2 CanadaCharte canadienne des droits et libertés ; Les minorités sexuelles et de genre dans les écoles et la société canadienne 1969-2013. Guide pour les éducateurs et éducatrices de la maternelle à la 12e année ; Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

3 Écoles ontariennes : Atteindre l'excellence. Une vision renouvelée de l'éducation en Ontario ; Code de conduite provincial et codes de conduite des conseils scolaires (Politique/Programmes : note n° 128) ; Comment tirer parti de la diversité. Stratégie ontarienne d'équité et d'éducation inclusive ; Discipline progressive et promotion d'un comportement positif chez les élèves (Politique/Programmes : note n° 145, 2e éd.) ; Élaboration et mise en œuvre de politiques d'équité et d'éducation inclusive dans les écoles de l'Ontario (Politique/Programmes : note n° 119) ; Équité et éducation inclusive dans les écoles de l'Ontario : lignes directrices pour l'élaboration et la mise en œuvre de politiques ; Façonner une culture de respect dans nos écoles : promouvoir des relations saines et sûres ; Loi modifiant la Loi sur l'éducation en ce qui a trait à l'intimidation et à d'autres questions ; Loi pour des écoles tolérantes ; Loi sur la sécurité dans les écoles ; Loi sur l'éducation de l'Ontario ; Prévention de l'intimidation et intervention (Politique/Programmes : note n° 144).

4 « Les enfants et les jeunes ont droit à la confidentialité. Vous ne devriez pas divulguer des renseignements au sujet de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre d'un enfant ou d'un jeune sans une bonne raison (p. ex. une préoccupation pour sa sécurité) et seulement avec sa permission. Cela inclut la divulgation à la famille ou au fournisseur de soins de l'enfant ou du jeune. »




Envoyé par Yapla